
Thierry SARNET
Chercheur CNRS et Enseignant à Polytech-AMU (département Matériaux)
Thierry SARNET est un chercheur reconnu pour ses travaux sur la modification des matériaux, en particulier par procédés laser, avec plus de 60 publications internationales et plusieurs dizaines de conférences invitées dans ce domaine.
Après une thèse en physique sur l’interaction laser-matière (1995), il travaille pour la Défense nationale sur les systèmes de défense du porte-avions nucléaire Charles de Gaulle. Recruté en 1997 par l’agence spatiale américaine NASA, il s’installe aux États-Unis (Minnesota) pour étudier la résistance des matériaux de la navette spatiale américaine. Il collabore également avec l’industrie graphique pour développer des procédés de gravure laser sur polymères (Global Graphics).
Il rejoint le CNRS à Orsay en 2001, affecté à l’Institut d’Électronique Fondamentale (IEF) pour développer des procédés laser pour la microélectronique et les micro- et nanotechnologies. En 2006, il intègre le laboratoire LP3 à Luminy, Marseille, et prend la tête du groupe « Laser, Énergie et Environnement ». Une partie de ses travaux sur le photovoltaïque et le « Black Silicon » est menée en collaboration avec l’Université de Harvard et le groupe du Professeur Eric Mazur, qu’il rejoint en 2012-2013 en tant que professeur invité. Cette collaboration débouche sur la fabrication d’une cellule photovoltaïque au silicium capable d’absorber le rayonnement infrarouge solaire, une première mondiale publiée en 2021.
Passionné depuis l’enfance par les cultures amérindiennes, Thierry Sarnet s’engage depuis plus de trente ans comme bénévole dans des associations à but non lucratif, participant à de nombreux événements, reconstitutions de camps, et réalisations de répliques d’objets amérindiens destinés au grand public, aux écoles, expositions et musées. Dans ce cadre, il réalise notamment une réplique de coiffe de guerre (warbonnet) en collaboration avec le Peabody Museum, destinée au service éducatif de l’Université de Harvard.
Sa rencontre avec Frédéric Saumade, professeur d’anthropologie à Aix-Marseille Université, constitue un tournant dans sa carrière, l’amenant à orienter ses recherches vers une approche interdisciplinaire entre physique des matériaux, anthropologie, muséographie, etc. La naissance de cette nouvelle discipline, depuis baptisée ethnomimétisme, est accueillie avec enthousiasme par son nouveau laboratoire de rattachement, l’IDEMEC (futur IDEAS), basé à la MMSH à Aix-en-Provence, soutenu par le CNRS et financé par la MITI (Mission pour les Initiatives Transverses et Interdisciplinaires) du CNRS.
Grâce à cet appui, le projet I-Mat débute en 2021 et permet la mise en place du portail web de l’ethnomimétisme (www.ethnomimetisme.com), ainsi que le recrutement d’un doctorant, Mathieu Mourey, issu de l’EHESS et titulaire d’un master d’anthropologie, spécialité ethnologie et anthropologie sociale. Sa thèse s’intitule : « Des Grandes Plaines aux musées européens : vers une approche ethno-historique des collections ethnographiques (1725-2016) ».
Doctorant en Anthropologie
Mathieu Mourey a été recruté dans le cadre du projet i-Mat (MITI – CNRS) pour sa connaissance approfondie des groupes ethniques d’Amérique du Nord. Il est titulaire d’une licence en anthropologie et d’un master en ethnologie et anthropologie sociale, obtenus à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS) à Paris. Son mémoire de master portait sur : « Des Grandes Plaines aux musées européens : vers une approche ethno-historique des collections ethnographiques (1725 – 2016) ».
Ses travaux de doctorat portent aujourd’hui principalement sur les coiffes amérindiennes, avec un projet de thèse intitulé : « Au-delà du stéréotype : approche interdisciplinaire de la coiffe à plumes dans les cultures autochtones des Plaines centrales, anciennes et contemporaines », sous la direction conjointe de Frédéric Saumade et Thierry Sarnet.
Les grandes lignes de son projet de thèse sont les suivantes :
L’image stéréotypée des peuples autochtones d’Amérique du Nord est indissociablement liée à la représentation visuelle des coiffes à plumes des Indiens des Plaines, largement véhiculée par les arts et la littérature depuis deux siècles. Cette iconographie a élevé la coiffe à plumes au rang de symbole généralisé de l’identité autochtone. Alors que d’autres objets autochtones ont fait l’objet d’analyses approfondies (katsinas, wampums, parfleches, pictogrammes, etc.), aucune étude systématique des « warbonnets » n’a été entreprise, à l’exception de quelques articles pionniers (Howard, 1954 ; Killsback, 2013) et d’une brève monographie (Taylor, 1998). Le sujet a toutefois regagné en visibilité ces dernières années dans le contexte des débats autour de l’appropriation culturelle (Lindner, 2018), concernant notamment l’usage de ces coiffes par des non-autochtones et la législation encadrant la possession de plumes d’aigle.
Il est couramment admis que ces coiffes ne se sont diffusées à travers l’Amérique du Nord qu’à la faveur du mouvement panindien à la fin du XIXe siècle, en lien avec l’intériorisation des stéréotypes véhiculés par la culture occidentale. Nous postulons au contraire qu’elles trouvent leurs origines dans des formes de mimétisme plus anciennes, dans lesquelles l’intégration de matériaux non humains à des fins rituelles favorisa leur adoption selon une dynamique encore mal documentée. Aujourd’hui, la possession de plumes d’aigle constitue un marqueur central de l’identité autochtone, mais leur usage est strictement encadré par la législation américaine, qui les réserve aux Autochtones reconnus par l’administration fédérale à des fins religieuses. De manière paradoxale, alors que l’ethnicité est administrativement définie, l’accès à ces plumes se trouve restreint, ce qui entraîne l’émergence de matériaux de substitution, tels que des plumes d’imitation utilisées dans les powwows.
Un travail de terrain sera mené auprès de certaines communautés autochtones du Dakota du Sud et du Montana (États-Unis), afin d’observer l’articulation entre l’expression globale de l’identité autochtone et les variations des pratiques locales, ainsi que d’analyser les transformations continues des usages politiques et religieux liés aux coiffes à plumes.
Dans le cadre du programme interdisciplinaire I-MAT (MITI – CNRS), qui finance ce projet de doctorat, une étude de spécimens conservés dans les musées d’Europe et des États-Unis sera menée afin d’identifier les matériaux utilisés et de distinguer les techniques de fabrication. Cette analyse vise à établir une typologie des styles tribaux. L’attribution tribale représente un enjeu crucial à l’heure des recherches collaboratives et des démarches de restitution du patrimoine autochtone conservé dans les musées occidentaux.
L’usage de la photogrammétrie 3D et la création de répliques issues de ce programme associant anthropologie, muséographie et physique des matériaux, permettront un dialogue renouvelé entre les collections muséales et les communautés d’origine. Ce travail contribuera non seulement à la recherche de provenance, mais aussi à l’identification des matières premières grâce à des techniques de caractérisation physico-chimiques.
L’approfondissement des connaissances sur les aspects matériels et symboliques des coiffes devrait ainsi ouvrir la voie à une anthropologie historique de la diffusion de cet objet, devenu emblématique de l’identité autochtone et des multiples expressions culturelles – passées et contemporaines – qui y sont associées.

Frédéric SAUMADE
Professeur d'Anthropologie (AMU, Aix-Marseille Université)
Frédéric Saumade est anthropologue, professeur à Aix-Marseille Université et membre de l’Institut d’Ethnologie et d'Anthropologie Sociale (IDEAS/AMU/CNRS, ex IDEMEC).
Ses recherches s’articulent autour de l’anthropologie sociale de l’élevage extensif, des relations homme-animal, des jeux et spectacles, des techniques, de l’économie, des idéologies, des rituels festifs, du territoire, de la diffusion et de la transformation des cultures, de la musique populaire américaine, ainsi que des interactions entre traditions et facteurs de modernité.
Après une première partie de carrière consacrée principalement à l’étude de la diversité et de la relativité des cultures taurines dans la péninsule Ibérique et ses alentours, ses terrains culturels de prédilection sont, depuis 1999, le Mexique et les États-Unis. Il y observe et analyse les transformations des cultures européennes de l’élevage bovin et des jeux d’arènes, ainsi que leurs représentations dans les cercles amérindiens (enquêtes de terrain dans des groupes nahuas, otomis et huichols au Mexique, yokuts et pueblos aux États-Unis), métis, afro-américains et euro-américains, et plus largement les relations complexes entre les civilisations latino-américaine et anglo-américaine autour de la frontière Mexique/États-Unis.
Ses orientations récentes, croisant technologie culturelle et économie du symbolique, l’ont conduit à développer une anthropologie de la matière et de la valeur qui, à partir de terrains nord-américains, associe les logiques patrimoniales propres au monde de l’élevage à celles observées dans les processus rituels et le marché des arts de la scène. Le fil théorique qui relie ces approches est celui de la marque du bétail, dont l’origine est liée à l’appropriation du bétail par l’homme depuis le Néolithique, à la fondation de l’économie monétaire, à la puissance de l’écriture et du signe.
Ses recherches actuelles en Amérique du Nord poursuivent cette problématique théorique, mais l’appliquent cette fois aux instruments de percussion de collection et/ou de tradition patrimoniale, au croisement des cercles d’amateurs de musique populaire, des musiciens afro-américains et de leurs épigones blancs, ainsi que des groupes amérindiens qui connaissent aujourd’hui un spectaculaire renouveau de leurs traditions de danses rituelles accompagnées du tambour, considéré à la fois comme un objet sacré et un être vivant.
La nature, la fabrication artisanale et la signature des objets sont étudiées sous l’angle d’une anthropologie technique, et dans la perspective des rapports entre matière, son et représentation symbolique. Cette recherche encore naissante est appelée à se développer sur de nouveaux terrains (Pueblos du Nouveau-Mexique, Sioux du Dakota du Sud), grâce au soutien du projet i-Mat (MITI – CNRS), un programme interdisciplinaire (anthropologie / physique des matériaux), en collaboration avec le physicien Thierry Sarnet (CNRS).
Parallèlement, il a développé une partie de sa production scientifique consacrée à l’épistémologie et à l’histoire de l’anthropologie, avec une série d’articles participant au débat contemporain sur les ontologies et le perspectivisme, ainsi qu’un ouvrage (Éditions du CNRS, publié en 2022), réalisé avec la collaboration de Patrick Pérez (École d’Architecture de Toulouse), qui présente, commente et analyse l’importance de l’œuvre d’un pionnier de l’ethnographie participative de terrain, Frank Hamilton Cushing, dont une sélection de textes a été traduite pour la première fois en français. Cet ouvrage vise à réparer l’oubli dont cet auteur a été victime en France.

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